Le Forum des Economies Majeures (MEF) sur les négociations climatiques internationales s’est tenu à Paris, les 25-26 mai 2009, regroupant 17 Etats qui représentent 80% des émissions de GES et de la consommation énergétique. Le MEF est la suite du MEM (rencontre entre les grandes économies sur la sécurité énergétique et les changements climatiques), initié par l’administration Bush en 2008. Borloo en profite pour annoncer sa volonté d’une création d’un partenariat Europe/Afrique/Pacifique autours des questions de changements climatiques.
Principaux résultats (source AFP/Reuters) : Pas grand-chose. D’après Jean Louis Borloo, il y a eu des avancées dans les négociations sur la constitution d’un fonds mondial de lutte de 100 milliards d’€ par an, abondé par les pays en fonction de leur PIB, de leurs émissions historiques et courantes (solution équitable). Mais il n’y a pas eu de décision finale sur cette proposition portée par le Mexique. Ce fonds devrait aider les pays les plus pauvres. Borloo annonce qu’il considère que les USA ne font pas d’efforts suffisants.
A cette occasion, de nombreuses ONG ont lancé un appel à Nicolas Sarkozy (On ne négocie pas avec le climat, on agit), afin de demander un renforcement des engagements de l’UE (40% d’ici 2020) et la nécessité d’un fonds international doté de plus de 100 md € par an jusqu’en 2020.
Rappels
Le protocole de Kyoto est en vigueur, avec un objectif de réduction de 5,8% des émissions des pays industrialisés d’ici 2012 par rapport à 1990. En décembre 2009, se tiendra à Copenhague la prochaine Conférence des Parties de la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (UNFCCC) ; on attend de cette conférence la conclusion du régime qui prendra la suite du protocole de Kyoto actuel (nouveau protocole, protocole amendé ?…).
En réalité de très nombreuses négociations ont eu et auront lieu d’ici décembre, soit dans le cadre de groupes formels au sein de l’UNFCCC, soit dans le cadre de groupes « informels » (G8 et G8+5 en juillet 2008, dialogue de Gleneagles, à Bonn…).
-l’action nécessaire selon le GIEC : afin de limiter à 2°C le réchauffement climatique, il est nécessaire de stabiliser la concentration en GES à 450 ppm, soit un chemin de réduction des émissions qui aboutit à une réduction de 25 à 40% des émissions des pays industrialisés en 2020 et entre 80 et 95% en 2050.
Positions actuelles
-USA :
Avec l’élection d’Obama, les Etats-Unis sont de retour dans les négociations internationales (les USA ont signé Kyoto, mais il n’a pas été ratifié par le Congrès).
Les émissions des USA ont explosé de 17% par rapport à 1990 ; l’objectif assigné par Kyoto (-5% en 2012) est donc désormais hors de portée. C’est pourquoi même en étant de retour, les USA ne ratifieront pas Kyoto, car ils se verraient attribuer des pénalités. Ils vont seulement s’engager sur la période suivante
Les USA ont entamé des discussions bilatérales avec la Chine depuis décembre 2008 ; une nouvelle rencontre bilatérale doit se tenir en juin afin de trouver des points d’accords communs (discussion hors cadre de l’UNFCCC).
Actuellement, le Congrès est en train de discuter de la loi Waxman. Un objectif de réduction de 17% des émissions par rapport à 2005, soit une réduction de 4 à 6% par rapport à 1990, d’ici 2020, serait acceptable pour le Congrès, mais le « maximum » d’après Todd Stern (position officielle).
–Japon/Australie/Canada : leur situation est similaire à celle des USA avec des dérapages de leurs émissions (entre 1990 et 2006 : +5% pour le Japon, +21% Canada, +25% NZ, +29% Australie).
–Chine : passée premier pays pollueur mondial depuis 2007, devant les USA (mais encore bien moins en termes d’émissions par tête). Actuellement, elle n’est pas soumise à des objectifs de réduction contraignants. L’inclusion de la Chine, tout comme d’autres pays émergents dans le processus de réduction, est un enjeu crucial de Copenhague, car les émissions mondiales ne pourront être contenues sans cela.
Il semble que le gouvernement central soit prêt à s’engager ; mais la Chine pousse actuellement les pays industrialisés à renforcer leurs engagements : elle exige des réductions de 40% des émissions d’ici 2020.
-les Pays les Moins Avancés (PMA) et l’Alliance des Petits Etats-Iles (OASIS), pays les plus touchés, ont appelé à des engagements fermes des réductions de 85% en 2050 au niveau global, soit une réduction de 40% d’ici 2020 pour les pays développés. Le G77 est sur cette position.
–UE : L’UE a déjà presqu’atteint son objectif de Kyoto (-8%), grâce aux réductions des nouveaux entrants dans l’UE (sinon la baisse de l’UE 15 était de 2% en 2006).
Dans son paquet « climat énergie », l’UE s’engage fermement à une réduction de 20% de ses émissions par rapport à 1990 d’ici 2020. Elle s’engage à rehausser cet objectif à 30% si un accord international est trouvé avant fin 2009, maintien de la croissance de la température à 2°C.
Situation des négociations
Contexte économique : très peu favorable à des engagements financiers internationaux, donc peu favorable à ce que les pays s’engagent (en particulier les émergents). Il existe un accord global sur un objectif de réduction 50% des émissions mondiales en 2050.
Les objectifs de long terme ne sont pas définis (objectifs par tête, par unité de production économique ?…).
De nouveaux outils de financement/régulation internationaux sont imaginés. En particulier, les NAMAs (Nationally Appropriate Mitigation Action) sont discutés ; ils visent à permettre des transferts de capitaux du nord vers le sud, dans le cadre d’actions globales (en rupture avec la logique de projet, type MDP). Mais dispositif flou encore ; alternatives possibles.
Proposition de discours concernant la position de l’UE
Etant donné le retard pris par les USA et le dérapage de leurs émissions, l’objectif actuel (de -17% par rapport à 2005) est du même ordre de grandeur que celui de l’UE. Mais cet objectif ne permettra pas d’atteindre une réduction de 25 à 40% sur l’ensemble des pays industrialisés comme nécessaire selon le GIEC.
L’Union Européenne doit donc s’engager à une réduction de 40% de ses émissions d’ici 2020 pour :
–être solidaire avec les USA qui avancent (mais qui ont pris du retard avec Bush) et les inciter à faire plus d’efforts
-garder le train d’avance en Europe en termes de ruptures technologiques et organisationnelles qui sont nécessaires. Avantage économique majeur vis-à-vis des USA.
Profiter de la crise : grâce à la crise, nos émissions vont sûrement décroître significativement. Le retour à la bonne santé économique et sociale ne doit pas se faire en redémarrant les vieilles machines éteintes, mais en changeant les activités. Il faut investir immédiatement dans les secteurs et technologies matures (transports en commun, éolien, biomasse, agriculture bio…) et d’avenir (photovoltaïque, nouveaux modes de transports…) au plan environnemental. Obama veut investir 15 milliards de $ par an ; si on ne fait pas autant ou plus, on va se faire piquer toutes les avancées initiées en Europe (sobriété, efficacité). Il y a un vrai coup économique à jouer…
Assumer le devoir de responsabilité : l’UE (et la France) doivent immédiatement doter un fonds qui permette le soutien aux PMA. Des accords avec l’Afrique et le Pacifique (OASIS), c’est très bien ; mais des moyens immédiats permettraient de convaincre.
Solidarité planétaire : les pays industrialisés doivent réduire drastiquement, l’Union Européenne doit être le leader (40% en 2020). Elle seule, avec l’action des autres qui sont en retard, peut encore permettre d’atteindre les objectifs mondiaux nécessaires selon le GIEC. La crise est l’occasion d’amorcer la conversion : nos émissions auront réduit fortement, ne les faisons pas redémarrer avec les vieilles machines.